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Qu’est-ce qui nous empêche d’être libre intérieurement ?

Qu’est-ce qui nous empêche d’être libre intérieurement ?

J’ai récemment vu une conférence donnée par Alexandre Jollien, philosophe, Mathieu Ricard, moine bouddhiste, Christophe André, psychiatre. Trois amis de Bien, comme ils aiment à se nommer. Ensemble ils ont parlé d’un thème cher à mon cœur, la liberté. Plus précisément, ils ont parlé du thème de la liberté intérieure.

Cet article reprend, sans être exhaustif, plusieurs arguments de cette riche conférence intelligente, pailletée d’humour et ponctuée de profonds moments d’humanité méditante.

Mais avant tout, qu’est-ce que la liberté intérieure ? La liberté intérieure, c’est cette capacité que nous pouvons acquérir de guider notre esprit vers là où nous souhaitons le mener. Il s’agit de pouvoir choisir la voie qui nous plait, libres des ruminations mentales, des émotions douloureuses, des habitudes de pensées, des rituels mentaux matérialistes. Acquérir une liberté intérieure, c’est donc pouvoir mener notre esprit vers ce qui nous habite et nous appelle, vers nos valeurs.

Quels sont les différents obstacles à cette liberté intérieure ? Dans les sections suivantes nous parlerons d’acrasie, de dépendance et de dépendance à l’hyperconsommation, une liste non exhaustive de ces choses qui nous empêchent d’être libres intérieurement.

1- L’acrasie est un mal inhérent à la condition humaine

Qu’est-ce que l’acrasie ? Si nous ne connaissons pas tous le mot, nous l’avons tous expérimenté dans nos corps. L’acrasie, c’est cette sorte d’impuissance à changer. C’est ce fameux « savoir ce qu’il faudrait faire, être convaincu de devoir le faire, mais ne pas réussir à le faire ». Alexandre Jollien donne cet exemple du jour où il était décidé à perdre du poids, a acheté dix livres qui expliquent quels régimes il lui faudrait suivre, pour finalement finir le soir abattu devant son téléviseur, un paquet de chips à la main. Franchement, avouons-le, nous connaissons tous ce scénario ! Il nous est bien familier. Familier notamment parce-qu’il est inhérent à notre condition humaine.

Spinoza dit : « Tout notre bonheur et notre malheur vient de ce à quoi nous sommes attachés, par amour. »

Alexandre Jollien nous rappelle qu’il y a toujours un slalom entre la tyrannie du « je » – capricieux, obèse, boursouflé, narcissique – et la dictature du « on » –  le fameux qu’en-dira-t-on.

Pour Alexandre Jollien : « Il y a une sorte de guerre civile en soi : je veux / je veux pas ; je bouffe / je bouffe pas. Sortir de l’acrasie, c’est commencer par repérer les endroits acrasiques en soi et se poser la question : à qui ou à quoi ai-je donné la télécommande de mon existence ? »

Christophe André, lui, rappelle combien l’acrasie renoue avec un grand écart de l’existence humaine : l’intention et la réalisation. Pour en sortir, les pistes sont d’être plus bienveillant vis-à-vis de nous-mêmes, d’être patient, d’être persévérant, et parfois, d’accepter de renoncer à un objectif peut-être trop ambitieux.

2- La dépendance est un processus difficile à inverser

La dépendance est un autre obstacle à la liberté intérieure. Il peut s’agir d’une dépendance à un objet, une substance, une relation, une habitude. Être dépendant, c’est ne plus pouvoir se passer de quelque chose, c’est perdre sa liberté.

Que se passe-t-il alors dans le cerveau ? Mathieu Ricard explique qu’au départ de la dépendance, il y a un réseau qui crée du plaisir, qui se forme dans notre cerveau. A ce moment-là, tout cela est labile, changeant. Nous pouvons éprouver du plaisir, du dégoût, aimer, moins aimer. C’est mouvant. Mais si nous répétons indéfiniment ce circuit, un autre circuit se crée. Un circuit qui va vouloir reproduire ce plaisir. Et là, malheureusement, c’est un circuit beaucoup plus stable qui va se construire dans le cerveau.

« Quand ce réseau de la dépendance s’est musclé, on peut en arriver à un point où on désire quelque chose contre son bien, quelque chose qu’on ne souhaite plus. »

Tout l’enjeu consiste ensuite à essayer d’ inverser ce processus, mais c’est loin d’être facile, et voici pourquoi :

  • d’une part, le circuit a été très musclé dans le temps, c’est difficile de le déconstruire
  • d’autre part, cela requiert de la volonté, or les ères du cerveau liées à la volonté sont alors moins actives
  • enfin, l’ère de l’action de l’hippocampe est aussi ralenti, alors que c’est lui qui permet de changer

Bref, il est difficile de sortir de la dépendance, mais cela reste possible en faisant de petits efforts répétés.

Pour Christophe André, le mieux est encore de ne pas tomber dans la dépendance. Il intéressant de réfléchir aux moments où nous tombons dans une dépendance. Ce sont des situations où nous devrions nous méfier d’une pseudo-liberté. Nous nous sentons libres par rapport à une dépendance, nous croyons avoir le contrôle, et pourtant… nous devons vraiment nous méfier de ce faux sentiment de maîtrise.

Sortir de la dépendance nécessite une approche multidimensionnelle en psychologie : contrôler le stimulus (par exemple ne plus avoir de bouteille d’alcool chez soi) et contrôler la réponse (apprendre à réagir lorsqu’il y a un stimulus). Bien se connaître et bien s’entourer, notamment dans des groupes, est clé.

3- La pollution de l’hyperconsommation est une forme de manipulation

Une autre forme de perte de liberté intérieure peut être la pollution que nous subissons face à la publicité et le marketing auxquels nous sommes assujettis tous les jours et au travers de tous les médias. Pour Christophe André, c’est une véritable pollution des esprits.

« Cela a un impact direct sur notre liberté intérieure. Ce sont par exemple des incitations à consommer du temps d’écran pour avoir des distractions, des pseudos liens sociaux, des incitations à acheter ».

Le psychiatre rappelle que parfois les chaines qui nous lient sont totalement invisibles. Nous pensons être libres devant nos écrans, ou devant un magasin avec des soldes, mais nous sommes manipulés. Au sens psychologique, la manipulation c’est une manière d’influencer de façon cachée.

Ce qu’il est intéressant de comprendre c’est que si nous achetons tel objet ou tel service, c’est parce que, profondément – et nous devons apprendre à l’observer, nous avons envie d’être heureux, envie d’être aimés etc. Il y a une manipulation dans le marketing parce-que cela part de nos besoins authentiques, pour les orienter vers une satisfaction avec des objets dont nous n’avons pas besoin et qui ne nous enrichissent pas vraiment, au final.

Prendre conscience de ces mécanismes est vital pour nous.

Conclusion : La liberté est un idéal, la libération un travail continu

Alors, quels sont les chemins vers cette liberté intérieure ? 

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1) Avant tout, il s’agit de rechercher la joie.

« Le premier pas vers la liberté, c’est de se demander ce qui me procure vraiment de la joie. Parfois il y a un gouffre entre ce que je veux vraiment et ce que je désire au quotidien. » Alexandre Jollien

A l’écoute de sa boussole intérieure, on peut se demander si une relation nous fait grandir ou nous rend esclave ; si une activité nous épanouit, ou nous détruit.

2) Ensuite, il s’agit peut-être de bien savoir s’entourer.

Les personnes qui nous entourent ont impact sur nous. Elles peuvent nous aider quand nous allons mal, comme des « amis de bien ». Pour Mathieu Ricard, elles peuvent aussi nous inspirer, comme un guide spirituel qui n’a « rien à perdre, rien à gagner, mais tout à partager ». Comme ces personnes qui sont le message par leur parole et leurs actes.

Christophe André parle de cette expérience psychologique où on demandait à des volontaires de regarder une montagne au loin et d’évaluer sa hauteur. Certains étaient venus avec un ami proche et voyaient la montagne beaucoup plus petite que ceux qui étaient venus seuls. Il y a donc bien des personnes auxquelles on peut tenter de ressembler par un effort qu’on ferait, et d’autres qui, par leur seule présence, enrichissent notre vie. Trouvons-les !

3) Enfin, il s’agit de faire des efforts, pas après pas.

De la même manière que nous avons appris à lire, écrire ou jouer au tennis, nous pouvons agir et muscler nos aptitudes intérieures telles que la bienveillance, la résilience, la force d’âme et bien sûr, la liberté intérieure. Mathieu Ricard rappelle que les différentes approches de méditation peuvent y contribuer – la neuro plasticité du cerveau ayant été démontrée. En méditant, nous pouvons développer notre attention, notre relation à l’autre ou encore notre engagement vis-à-vis d’autrui.

Pour Christophe André, les lois de l’esprit ressemblent assez à celles de notre corps.

« Si nous voulons plus de souplesse ou de force, la simple volonté ne suffit pas. De même si nous voulons être moins stressé, être plus bienveillant, avoir plus de concentration, la simple volonté ne suffit pas. »

Pour lui, entraîner son esprit s’apparente à être le capitaine d’un voilier. Il s’agit de guider, de décider, mais avec une certaine humilité, en tenant compte des conditions météorologiques.

La méditation permet de voir comment notre esprit fonctionne. Elle permet d’augmenter notre liberté, car nous comprenons alors ce que nous faisons en réaction, et nous pouvons choisir de faire autre chose dans l’action.

Pour conclure, la liberté intérieure est un idéal avec plusieurs chemins pour y parvenir, plusieurs chemins de libération. Mais je trouve que cela vaut vraiment le coup, si sur le parcours nous apprenons à nous connaître, à mieux nous relier aux autres et au monde, à être davantage nous-mêmes.

Références :

– Conférence : Etre libre, le grand chantier de l’existence

– Livre : A nous la liberté de Christophe André, Alexandre Jollien, Mathieu Ricard

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